L'être humain est-il libre?

Ce texte est tiré des ''Lettes Ouvertes; correspondance entre un athée et un croyant'' de Jean-Guy Saint-Arnaud et Cyrille Barrette publié aux Éditions MédiasPaul (ISBN: 9782894209134)

Quatrième lettre de Jean-Guy à Cyrille
(Jean-Guy Saint-Arnaud est jésuite et possède un doctorat en sciences religieuses, Cyrille Barrette est professeur émérite de biologie à l'Universtié Laval.)

(...) La question de la liberté est, en effet, immense. On chante la liberté. On se bat pour la conquérir quand elle est méprisée et rejetée par des régimes totalitaires (Tout ce qui n'est pas défendu est obligatoire!) ou menacée par des lois injustes et par la pression aveugle des foules.

Spontanément, tout humain recherche d'être libre et revendique la liberté comme le droit le plus précieux, droit de pensée et d'opinion, d'expression et de parole, d'association. Voilà ce que consacrait, en 1848, l'Organisation des Nations Unies dans sa Déclaration universelle des droits :

«Tous les êtres humains naissent libres et égaux en dignité et en droits. Ils sont doués de raison et de conscience et doivent agir les uns envers les autres dans un esprit de fraternité. Les peuples qui se respectent se doivent donc de favoriser la liberté, l'égalité et la fraternité de chacun de ses citoyens, et de rechercher, entre les pays, le libre échange et la libre circulation des biens.»

L'être humain est-il libre, oui ou non ? La réponse de toute évidence est : oui et non. L’enfant à sa naissance n’est pas libre. Il aura, au fil de sa chronologie, de son histoire, de sa maturation, à se libérer, c'est-à-dire à découvrir et inventer son autonomie. Pour tenir compte de la croissance de l'être humain, il serait plus juste de parler ici de libération (comme processus) plutôt que de liberté. (...)

Assurer le passage de l'enfance à la maturité, c'est amener l'enfant qui est essentiellement conduit par un autre à se conduire par lui-même, à passer d'un fonctionnement de complaisance ou de conformisme à un fonctionnement de conviction. L'accès progressif à la liberté, il faut le noter, n'abolit pas les lois ni les déterminismes nombreux qui continuent à régir notre vie, mais il nous permet de nous en dégager et de les dépasser, jusqu'à un certain point, en les intégrant et en composant avec eux. C'est à travers l'émergence et la croissance de notre liberté que s'opère alors la merveilleuse conquête de notre identité profonde. (...)

Notre conscience, au départ, apparaît comme une sorte d'écrin, de matrice, de nid, où puisse éclore le plus précieux cadeau que la vie donne à la personne humaine : la liberté, avec tout ce qu'elle implique, l ‘intelligence et l'amour, la capacité de juger, de discerner et le courage de se décider et de répondre de ses propres actions. (...)

Il faut aller plus loin et reconnaître que le secret de la liberté réside essentiellement dans un grand amour, une grande passion qui relativise, sans les abolir, toutes les autres amours humaines. C'est l'amplitude affective qui procure à la liberté son espace propre, en agrandissant, pour ainsi dire, et en étirant l'âme. La liberté manifeste que nous sommes faits pour du plus grand. Elle se définit comme une qualité de l'amour qui n'est pas contraint, que rien ne bloque et n'arrête. Seule une grande passion d'amour (qu'il s'agisse de l’amour de Dieu, de la science, des arts, des personnes) permet, à la limite, avec le concours indispensable de l’intelligence (pour en éviter les dérives), d'opérer la radicale relativisation de tout le reste. (...)

La liberté se trouve à plusieurs titres au cœur même de la vie chrétienne et, tout d'abord, en Jésus-Christ, homme libre par excellence. Même ceux qui ne croient pas en lui, souvent à cause des chrétiens ou des Églises qui le défigurent, reconnaissent la singulière qualité de sa liberté, dans sa manière d'être, face à son milieu, face à la mort et dans ses relations à Dieu.
(...)
                                                                                                           Jean-Guy

Le secret de sa liberté se trouve dans l’amour souverain, fait de confiance inconditionnelle et d’abandon total, qui le relie à son Père.